Comme j'étais étudiante et que j'avais la bougeote, je me suis dit que ce serait une chouette façon d'arrondir les fins de mois et de me permettre de bouger les week ends.
Je me suis donc rapidement renseignée sur le fonctionnement de la chose: en fait les musiciens ont mis en place un système informel de réservation de l'emplacement qu'ils gèrent de façon autonome. En gros la ville et la société du métro ne s'en occupaient pas. La bonne nouvelle pour moi moi c'était qu'à l'époque il n'y avait pas besoin d'un permis pour jouer (ça a changé depuis, maintenant il faut passer une audition et il y a un quota).
Mes stations de prédilection étaient Jean Talon et Sherbrooke, avec aussi Snowdon et quelques autres stations dont je ne me souviens plus du nom. La station Berry Uquam était le Saint Graal (genre la station centrale au croisement de trois lignes de métro différentes en plein coeur de la ville), et donc également la plus disputée. Son fonctionnement était différent des autres stations tellement l'enjeu était important. Pour réserver un créneau il fallait se présenter la veille vers 23h30 et les heureux élus étaient tirés au sort, et du coup ne choisissaient pas forcément leur créneau. Bref du coup je n'allais pas à Berry Uquam et me contentait des autres plus petites stations au fonctionnement plus friendly.
Un bout de papier déposé par le premier musicien de la journée faisait office de feuille de planning pour l'ensemble du groupe. Le but du jeu en arrivant à un emplacement était déjà de trouver où était caché ce petit bout de papier, le plus souvent replié et coincé entre le panneau et le mur. Et d'y ajouter son petit nom devant l'heure de son choix.
J'ai vite compris qu'un bout de papier n'ayant aucune valeur officielle peut facilement être remplacé par un autre. Et que certains n'avaient aucun scrupule à le faire. Le classic c'était d'arriver à l'heure que l'on avait courageusement réservée tôt le matin pour découvrir qu'un autre musicien visiblement bien installé occupait déjà la place, et vous montrait avec aplomb un nouveau papier de planning qui ne ressemblait en rien à celui sur lequel vous aviez apposé votre nom ce matin là. C'était mort.
J'ai pris beaucoup de plaisir à jouer dans le métro de Montréal: selon les stations l'acoustique pouvait être sympa, avec finalement assez peu de bruit, une bonne résonnance pour bien se faire entendre même avec une guitare acoustique. Les gens respectent les buskers et ont l'habitude, et l'on n'est pas embêté. Parfois quelqu'un vient échanger quelques mots avec vous, certaines personnes prennent même votre photo! Et l'on y fait la rencontre des autres buskers venus de tous horizons, même s'il faut bien dire que nombre d'entre eux venaient d'un coin ou l'autre de l'Amérique Latine. D'ailleurs à un moment donné une pétition circulait contre les joueurs de flûte de paon dont les locaux commençaient à faire une overdose!
En échangeant avec plusieurs de ces musiciens j'ai découvert que certains d'entre eux vivaient exclusivement du busking, et jouaient jusqu'à huit heures par jour! Il faut s'imaginer la performance physique et psychologique que cela représente!
Pour ma part c'était avant tout un plaisir et une façon de gagner un peu d'argent supplémentaire pour mes voyages. Comme j'étais en échange universitaire d'autres étudiants m'ont vu jouer dans le métro, et il était intéressant de voir leur réaction. La plupart trouvaient ça chouette. Mais il y avait aussi ceux qui ne comprenaient pas et considéraient les buskers comme des mendiants, et étaient même choqués!

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